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Introduction - L'orgue, instrument immuable?
 

Je me rappelle ce jour d’été 2001, où, en vacances avec ma cousine férue d’art, je visitais la merveilleuse cité de Pézenas. Nous en contemplions l’orgue, assis sur le rebord des marches du chœur lorsque ma cousine me glissa timidement cette petite phrase, « mais, les orgues ne sont-ils pas tous identiques ? » Si bien sûr je sursautai, elle avait soulevé sans s’en rendre compte un épineux problème.

Si au premier abord, tout orgue ressemble à son voisin, que de différences observe-t-on entre un instrument baroque et symphonique. Ils sont aussi dissemblables qu’un piano-forte et un Piano moderne. Pourtant, je concédai à ma cousine que l’évolution de la facture d’orgue était belle et bien différente de celle des autres instruments. Pendant que Beethoven, Schubert et Chopin écrivaient la crème de la musique romantique, les orgues que l’on construisait ne l’étaient pas…

Orgue instrument hors du temps ? En cette première moitié de 19ème siècle on le dirait bien. Si pendant la période baroque le « roi des instruments » est le miroir de la musique que l’on compose alors, ce n’est plus le cas au siècle du romantisme. L’orgue aurait-il raté le coche ? Dès lors, observe-t-on le fameux décalage de cinquante ans entre l’art de la facture d’orgue et les compositions musicales, l’orgue symphonique arrivant un demi-siècle après Beethoven. Comment expliquer cette longue période de transition entre la révolution française et la fin des années 1850 ?

Peut-être tout d’abord par la complexité de l’instrument. En effet, ce début de 19ème siècle est aussi une période de transition pour le piano. Mais le passage du Piano-forte au piano moderne se fait beaucoup plus facilement que le passage de l’orgue baroque à l’orgue romantique.

Ensuite, le lieu, l’église inspire et induit une certaine immuabilité, un respect accru des traditions. Rappelons à cette occasion que la clarinette, instrument neuf, était interdit d’église, au plus grand drame de Mozart qui ne put l’utiliser dans ses messes et son Requiem.

Enfin et peut-être surtout, l’absence quasi totale de compositeur d’orgue romantique. L’innovation ne se produit que s’il y a besoin, le besoin entraînant goulet d’étranglement, à savoir dans notre cas incompatibilité entre ce que peut produire l’instrument et ce qu’on aimerait qu’il produise.
Pour reprendre ce vieux clicher, le piano n’est-il pas devenu ce qu’il est parce-que Beethoven mettant ses piano forte à rude épreuve (leur durée de vie sous ses doigts était fort courte…) « obligea » en quelque sorte les facteurs de piano à construire des instruments plus robustes.
Pourquoi Beethoven, Chopin et Schubert n’ont rien écrit ou quasiment pour l’orgue reste un mystère. Orgue, instrument hors du temps, hors du monde… peut-être déjà trop divin pour oser s’y attaquer ?…

Dans ce contexte, l’orgue d’Oberhergheim est-il  baroque ou romantique ? La réponse est ni l’un, ni l’autre. Il s’agit d’un instrument dit de « de transition ». Comme nous le verrons, Claude-Ignace Callinet emprunte beaucoup à la facture française classique du 18ème siècle, néanmoins de nombreuses innovations, tant dans le domaine de la mécanique que de l’harmonisation nous font très nettement pressentir le romantisme d’un Cavaillé-Coll. Cela fait de l’orgue d’Oberhergheim un jalon fondamental dans la facture d’orgue. Mais cette spécificité entraîne aussi une grande complexité d’approche, problème que nous soulèverons pour terminer.

     
 

détail de la base d’une tourelle du positif de dos

 
     
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